En pleine reprise mondiale après le ralentissement économique provoqué par la pandémie, les citadins des grandes villes d’Asie du Sud-Est attendent avec impatience un retour à la normale grâce à la relance du tourisme et du commerce international.
« Il y a eu beaucoup de préjugés sur les villageois, particulièrement pendant la période covid ! » Explique Bernard Kervyn, directeur fondateur de Mekong Plus, une organisation à but non lucratif axée sur le développement communautaire au Vietnam et au Cambodge. Bernard nous explique que les habitants des régions urbaines connaissent souvent mal la vie dans les provinces.
Il peut sembler que les personnes vivant en zone rurale ont bénéficié d’une vie meilleure pendant la pandémie de Covid-19 en raison du bétail et des récoltes, mais la réalité est tout autre.
De lourdes conséquences à long terme sur les fermiers
Au plus fort de la pandémie au Vietnam fin 2021, le manque de transport et de logistique a entraîné un grave problème : la plupart des agriculteurs n’étaient pas en mesure de vendre leurs produits dans les grandes villes.
« Même les marchés et les restaurants locaux ont été restreints ou fermés« , a ajouté Bernard.
Faute de pouvoir les vendre, les familles ont ainsi dû jeter des récoltes entières. Sans possibilité d’exercer leur métier, pour les agriculteurs, c’est l’effet boule de neige. De nombreux fermiers sont entrés à perte dans un cercle vicieux d’achat de pesticides et d’engrais auprès de vendeurs peu scrupuleux.

De nombreux agriculteurs ont commencé à accepter des contrats déloyaux qui offraient des tarifs apparemment moins chers pour les nécessités agricoles – mais ensuite les fermiers ne pouvaient vendre leurs produits qu’à ces revendeurs à un mauvais prix, à la fin d’une saison de récolte.
« Même les volontaires de Mekong Plus ont eu du mal à comprendre combien les agriculteurs étaient perdants ! », nous explique Bernard, en résumant les calculs derrière la pratique, ce qui a souvent pour conséquence une perte de plus de 30 % de ce qu’ils auraient pu gagner si leur production avait été vendue par les moyens habituels.
Madame Liễu, de la ville de Tân Sơn, dans la province côtière vietnamienne de Ninh Thuận, a loué un hectare de terrain pendant 15 ans pour cultiver du riz afin de nourrir sa famille de cinq personnes.
Le coût de 13 sacs d’engrais s’élève à 11 000 000 VND (463 €) par saison, le revendeur exigeant que la famille paie un intérêt de 200 000 VND (8,40 €) pour un sac d’engrais tous les 4 mois. Les pesticides sont également vendus dans le cadre du même type d’entente.

« En réalité, elle doit payer 18 370 000 VND (772 €) chaque saison. Avec les intérêts, le prix augmenté, et l’obligation de vendre la récolte à un prix bas… tout ceci entraîne une perte de plus de 53 € au cours des deux dernières saisons« , a révélé Bernard.
Pour lutter contre ces complications qui sévissent également dans l’alimentation animale et l’élevage, Mekong Plus et son équipe ont cherché à augmenter la couverture du programme de microcrédit.
En collaboration avec des groupes d’investissement régionaux tels que Dragon Capital et Momo, une entreprise de portefeuille numérique basée au Vietnam, Mekong Plus a réussi à étendre le programme de microcrédit à 1000 ménages supplémentaires, pour aider les agriculteurs à se détacher des contrats inégaux.
Le succès du programme de microcrédit de Mekong Plus a contribué à réduire grandement la pauvreté dans la région au cours des 20 dernières années.
Les tendances mondiales et le changement climatique aggravent les difficultés
Dans le district de Hàm Thuận Nam de la province de Bình Thuận au Vietnam, un grand nombre de fermes de fruits du dragon ont été abandonnées en raison de la diminution du commerce avec la Chine. Ce pays est le plus grand acheteur de ce fruit rouge vif à la chair juteuse et légèrement sucrée. À la date de publication de cet article de blog (juillet 2022), une grande partie de la frontière sino-vietnamienne reste fermée en raison des mesures COVID-19 en Chine.

Au-delà de la hausse des coûts du carburant, des engrais et des semences, aggravée par la guerre russo-ukrainienne, la plupart des problèmes agricoles de la région sont liés au changement climatique et aux problèmes environnementaux.
Par exemple, l’immense besoin en eau du fruit du dragon, a entraîné des problèmes environnementaux en raison du besoin constant des habitants de forer plus profondément pour les eaux souterraines. La monoculture fragilise également certaines régions. En effet, l’absence de diversité permet aux maladies de se propager très rapidement. Ce problème dévastateur, Mekong Plus cherche activement à le résoudre par le biais d’ateliers et de sensibilisation dans les communautés agricoles.
« Le delta du Mékong s’enfonce de 3 centimètres par an à cause d’une agriculture trop intensive, et l’eau salée pénètre de plus en plus profondément dans les sources d’eau souterraine », a ajouté Bernard, expliquant les difficultés rencontrées par les habitants dans leur recherche d’eau adaptée à l’irrigation. En raison du changement climatique, les précipitations sont largement insuffisantes.

Le forage excessif pour atteindre l’eau souterraine et le pompage excessif de ces sources se traduisent alors par des aquifères côtiers salés, contaminant alors les sources d’eau souterraine.
Promouvoir le changement des mentalités pour des changements à long terme
« Les problèmes environnementaux semblent souvent trop globaux et trop vagues », a partagé Bernard, soulignant la nécessité d’une activité visible pour motiver le changement.
Il peut être difficile de convaincre les habitants de passer à l’agriculture biologique, mais Mekong Plus croit en la collaboration avec des agriculteurs pilotes pour tester de nouvelles techniques respectueuses de l’environnement – les exemples réussis inspirent souvent d’autres villageois à adopter ces pratiques.
Contrairement à la croyance populaire, parvenir à une agriculture biologique durable ne consiste pas seulement en des alternatives aux agents chimiques et aux engrais.

Avec un budget inférieur à 100 € par ménage, Mekong Plus a aidé plusieurs familles de producteurs de légumes dans le district rural de Long Mỹ, dans la province vietnamienne de Hậu Giang, à construire des fermes maraîchères couvertes pour protéger les cultures des fortes pluies et des ravageurs. Les avantages vont au-delà de l’élimination des pesticides : la possibilité pour les agriculteurs de produire des légumes, hors saison plus chers, grâce à cette technique, a contribué à augmenter leurs revenus.
Comment pouvez-vous soutenir Mekong Plus ?
La conception de solutions à long terme, qui aident à réduire les frais liés aux cultures et à éliminer les pratiques causant des dommages irréversibles aux terres arables, est un principe fondamental chez Mekong Plus.
« Entre villages, le mot se répand ! » nous dit Bernard avec optimisme.
Visitez le site Web de Mekong Plus pour savoir comment vous pouvez contribuer à aider Mekong Plus à poursuivre son engagement à éliminer la pauvreté grâce à des projets durables se concentrant sur l’agriculture, l’éducation et les infrastructures rurales.